mercredi 9 août 2023

SOUS LES PONTS

 SOUS LES PONTS

Les ponts en disent long, emportés par les flots, détruits par les canons,

brûlés par la foudre, dynamités pour la nation...

Sur l'accord ouvert de la géante semi-harpe du Pont Val-Benoît,

je saute du pont-rails une fois passé la gare de Kinkempois...

Je fais plus loin mon entrée dans la Ville-Piège tout en majesté,

annoncé par les Renommées perchées sur les pylônes du pont de Fragnée.

Comme vous pouvez le noter,

sur ses garde-corps se répètent des médaillons mythologiques dorés;

sans compter les becs de pile sur lesquels s'exhibent des tritons musclés :

celui-ci semble passer un appel, en amenant une conque-sans-fil à son oreille;

celui-là se prend visiblement pour une tortue-cendrier...

Un jet d'eau s'échappe d'une artère accidentellement heurtée

par ma saignée alors que j'ouvre les bras à mon île.

Sur votre droite : le Parc de la Boverie...

Sur votre gauche, la toute pimpante Tour Paradis,

au moment-même où j'écris ces lignes, la plus haute de Wallonie.

Je rêve ou je vois un acrobate en train de faire le poirier sur son plongeoir,

à la sortie du parking pour yachts et voiliers, entre Albert et Kennedy ?

Vous avez remarqué comme les liégeoises sont belles !

Nordiques autant que méditerranéennes...

Cependant je n'ose encore les aborder tel Éole en personne

tandis qu'elles traversent la passerelle... J'abandonne...

Avant de m'amouracher je m'arrache, en passant sous le pont des arches;

le plus vieux de la ville... paraît-il... autant dire patriarche...

momentanément nommé Victoire après la Révolution,

reconstruit pour la septième fois, y en a marre – ce coup-ci tiens bon !

Vous ne verrez sans doute pas dans mon dos,

qu'une statue de pierre s'apprête à sortir une grenade de son veston...

Sur votre gauche encore, la Tour de la Cité administrative,

au pied de laquelle vous pourrez lire la citation punk anticipative :

« Les Liégeois ont été plus que tous les ans domptés

néanmoins ils ont toujours relevé leurs crestes. ».

En vérité, pareils à des marins en escale définitive,

ils n'ont jamais cessé de faire la fête...

Ici l'alcool coule littéralement à flots,

sur ce je me gare entre deux péniches à l'ombre dense de vieux platanes,

une fois passé le pont saint-Léo... Tu m'déposes ou tu m'dépannes ?

Non je n'irai pas à Maas et me lasse avant même le pont Atlas

du nom d'un bateau légendaire qui déflora la résistance ennemie

lors de la première guerre, pour rejoindre les Pays-bas.

Non je ne suis pas pressée de me fondre avec le Rhin en un large Delta...

à peine rattrapée par sa Dérivation, la Meuse rouvre déjà les bras, fendue par l'îlot saint Monsin.

Ne vous étonnez pas de distinguer un homme-phare au loin.

Sur ma gauche vous verrez encore les anciens terrils;

la ligne d'horizon désormais dotée de mamelles à moitié stériles.

Sur ma droite, cachant un arrière-plan rayé par les lignes à haute tension grimpant en cordée,

les barres de Droixhe, semblables à des dominos sur le point de basculer...

Avant de me rendre à la Mer, bon enfant, je suis venu faire mon numéro céans,

lors d'un petit détour par la scène, là où la Meuse en bonne mumuse mène

on dira comme Homère aux parents que c'était la faute des sirènes...

Non pas bateau ivre, plutôt kayak intoxiqué,

voici que je me délivre, écoutez :

Au fond, tous les ponts précédemment cités, moi je m'en fous !

Je viens seulement emprunter celui qui se jette entre nous...

C'est tout pour moi !

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